Notre monde aujourd’hui et demain : une mousse de plateformes

Résumé

Le développement technologique a profondément transformé les modes de collaboration et d’organisation économique, initiant des changements majeurs. Imaginée dès le XIXe siècle avec l’apparition du télégraphe, la capacité offerte d’échange ubiquitaire et illimitée est devenue une réalité.

Aujourd’hui chaque porteur d’activité peut se constituer en plateforme, en « bulle » en connexion avec d’autres « bulles » préexistantes, constituant une « mousse de plateforme » en évolution et adaptation permanente.

Cela fait lien avec l’évolution des modes d’organisation abandonnant le hiérarchique pour le circulaire débouchant sur le modèle plateforme/communauté. Les progrès technologiques permettent à de nouvelles activités adoptant cette posture de conquérir rapidement la niche de marché visée à l’échelle planétaire avec des moyens réduits financiers/techniques/humains (phénomène de « lo‑balisation »).

Cette « mousse » de plateformes/communautés de tailles diverses reposent sur ce que l’on a pris l’habitude d’appeler plateformes que l’on peut concevoir comme l’« eau de la baignoire » : les grandes entreprises du « Cloud », des échanges financiers, des télécommunications, de l’énergie, des composants électroniques, de la logistique, des infrastructures et moyens de transport, etc. Ces grandes organisations cherchent à délivrer de façon locale des services construits comme globaux (phénomène de « glo-calisation ») ; elles sont inscrites dans une logique de puissance et de domination.

La tentation prédatrice pour l’ « eau de la baignoire » d’absorber à son profit les « bulles » qui constituent sa communauté est forte ; cette prédation peut être bénéfique pour les investisseurs de la nouvelle bulle qui récupère leur mise à cette occasion, mais peut clairement ne pas l’être pour la collectivité. L’extrême évolutivité de cet environnement socio-économique, où la concurrence monopolistique devient omniprésente, créent des défis nouveaux pour les régulations.

Cette interdépendance complexe croissante offre à la fois une résilience nouvelle par sa grande capacité d’adaptation, mais aussi présente une grande fragilité dues à certaines « bulles » qui se révèle critiques pour le fonctionnement global de la société pouvant « exploser » sans préavis à tout moment.

Ces évolutions vont encore accroitre les tensions sur les compétences cruciales à solliciter : capables d’appréhender un environnement socio-économique complexe, de développer des capacités de collaboration positives et évolutives de façon ouverte avec des tiers de type varié au-delà de la « simple » relation client, tout en appréhendant la complexité des sous‑jacents technologiques mis en œuvre.

Nul doute que la montée en puissance d’un internet 3/4.0, des technologies de virtualisation et d’intelligence artificielle, amplifiera encore le phénomène.

Genèse du concept

L’image de la » mousse de plateformes » m’est venue d’un constat et d’une confrontation.

Le constat est qu’il est possible de créer une plateforme de services de haut niveau et à l’échelle mondial avec un investissement réduit. Par exemple, en 2015, j’ai découvert une société de location d’espace de coworking capable d’assurer la réservation d’un espace de travail pour les lieux abonnés au service. Pour quelques centaines de milliers d’euros d’investissement initial, le service gérait des transactions d’un montant de quelques euros avec une ergonomie du même niveau qu’Airbnb.

Lors d’une réunion confrontée à l’expression d’une vision étatique et verticale du développement de ce type de services, il m’est venue à l’esprit cette expression de « mousse de plateformes », mieux à même de traduire cette évolution. Elle reflète le développement de services de plus en plus ciblés, occupant tout l’espace des besoins avec la dynamique requise.

Les bulles

Plus récemment en 2022, m’a été présenté Youzd. Cette plateforme, semblable au Bon Coin, propose un service enrichi : commande multiple auprès de différents fournisseurs, livraison en une fois dont des objets volumineux, et retour possible en cas d’insatisfaction. Développé par une personne seule sur une courte durée, Youzd intègre des services de gestion de catalogue, de commande, différents modes de paiement et des capacités d’entreposage et de logistique déployables à l’échelle nationale.

Youzd, bien qu’en concurrence avec d’autres acteurs comme Emmaüs, se démarque par son modèle unique, à la recherche d’une position monopolistique sur son créneau. Cela montre à la fois une réduction continue des investissements initiaux et une complexité accrue des services proposés. L’effort principal réside désormais dans la promotion, la qualité, et le soutien client.

C’est là que les communautés interviennent[1], dans un modèle à trois niveaux :

  1. Co-concepteurs : bénévoles ou collaborateurs contribuant au développement de la solution. Ayant apportée leur pierre à l’édifice ils sont les premiers et plus ardents promoteurs
  2. Premiers clients : utilisateurs convaincus, d’autant plus si leurs remarques sont rapidement prises en compte pour en faire des clients pleinement satisfaits
  3. Autres clients : à convaincre aussi rapidement que possible possible dans une logique « winner-takes-all » et les encourager à promouvoir le service dont par la production de « like »

Cette communauté inclut également toutes les autres bulles, plateformes-communautés contribuant à la prestation de service. L’ensemble crée une frontière floue de l’organisation mise en œuvre, ouverte, en relation avec le marché et en adaptation permanente et rapide.

Ce modèle contraste avec le modèle pyramidal ou matriciel, organisation avec un périmètre défini, un guichet d’entrée, et inscrit dans une logique de maîtrise complète la plus verticalisée et planifiée possible. Dans ces organisations, on reste sur un modèle marketing de « Push » de l’offre, à l’opposé d’un modèle « Pull » tiré par les besoins des clients tel qu’évoqué précédemment.

Poussé à l’extrême, on voit l’émergence des DAO, Organisation Autonome Décentralisée, dont la communauté est la plateforme et vice-versa. Un exemple emblématique de ce modèle est Wikipedia.

L’eau de la baignoire

Elle est constituée des grands services de mise en relation, de mise à disposition d’information, de transports et logistique, et de transactions financières. On pense immédiatement aux GAFAM ou leurs équivalents asiatiques. On notera qu’Amazon assure plusieurs grands services sur lesquels peuvent s’appuyer nos « bulles ».

Il convient d’y ajouter les grands fournisseurs d’énergie essentiels pour toutes les infrastructures. Pensons également aux constructeurs de véhicules de tout type sans lesquels les transports ne seraient pas possibles, marché encore très concurrentiel. Tout aussi fondamentaux, figurent l’écosystème des fournisseurs de puces électroniques, ainsi que les infrastructures de transports, d’échanges financiers.

Ces grandes plateformes ont souvent une interaction communautaire limitée. Leur forte exposition juridique et réglementaire peut les pousser à adopter une posture fermée. Appelées communément plateforme, elles peuvent manquer de la pleine substance apportée par les communautés.

A titre d’illustration, trouver une solution précise à un problème sur les sites de Microsoft peut s’avérer compliqué. Soit l’entreprise préfère éviter de reconnaître un problème, soit elle craint de donner une réponse incertaine. Reste à se replier sur des services de communautés pures, des DAO, en acceptant le risque que la réponse proposée ne soit pas la meilleure, voire potentiellement désastreuse.

Ces grands fournisseurs de services sont en recherche permanente d’une position dominante, leurs grands actionnaires fonds de pension et d’investissements ne leur autorisant aucun relâchement en la matière. Et s’ils adoptent le principe d’Andy Grove patron d’Intel, doivent rester « paranoïaques » pour la préserver, en quête de puissance les uns envers les autres, et aussi avec les Etats.

Cette logique « winner-takes-all » entraîne une augmentation massive des investissements et des valorisations, favorisée par la loi des rendements croissants. Par exemple, Samsung prévoit un plan d’investissement de 205 milliards d’euros, un montant qui dépasse parfois ceux des États eux-mêmes, contrastant avec les faibles investissements initiaux de nos « bulles ».

Dans la baignoire : l’eau et les bulles en interaction

Deux dynamiques s’observent : la « glo-calisation » et la « lo-balisation »[2]. Les grands services mondiaux constituant l’eau de la baignoire vont chercher à lo-caliser leur service glo-bal pour renforcer leur leadership mondial, avec la limite de ne pas remettre en cause leur cohérence globale. A l’inverse les bulles vont souvent construire un service de niche lo-cal pour le mettre à disposition de façon la plus glo-bale possible, acceptant si besoin une spécialisation forte de l’offre aux besoins des différents clients rencontrés à travers le monde.

Les bulles pour se faire vont utiliser les services de l’eau. On peut l’illustrer avec Amazon qui permet de vendre à ses adhérents leurs produits n’importe où dans le monde.

L’image de la bulle devient fructueuse. Ce sont souvent des start-ups qui vont grossir plus ou moins rapidement mais qui peuvent aussi arrêter leur activité à tout moment, « exploser », et pour une large proportion d’entre elles avant d’arriver à l’équilibre et à la maturité. L’« eau » sera tentée d’absorber la « bulle » si le contrôle de son marché apporte un plus à sa domination ou si elle devient gênante, voire dangereuse.

La bulle peut aussi à un certain stade évoluer vers le modèle de l’eau. Par exemple Blablacar ou AirBnB qui partant d’un marché biface coopératif, ont construit des services à vocation territoriale étendue et à caractère monopolistique global, entrant en concurrence avec les fournisseurs de transports ou d’hébergement classiques avec un nouveau modèle d’activités.

En remuant l’eau, en investissant, en facilitant l’accès aux grands services, les bulles peuvent plus facilement se créer et se multiplier. Les régulations modernes ont un rôle important pour maintenir cet écosystème dynamique et limiter les dérives (voir plus loin).

Liberté chérie

La « bulle » va plus spontanément adopter comme on l’a vu une logique ouverte avec ses communautés. On retrouve cette idée dans le développement des organisations libérées[3], adoptant des modèles d’organisations circulaires et maximisant la mise en relation des salariés avec les clients en donnant une grande autonomie aux équipes quant aux choix des moyens mis en œuvre et de l’usage de leur temps ; les salariés se font directement porteurs d’un strict respect des exigences de délais convenues avec le client, reprenant des éléments des philosophies Lean et Agile. En réaction d’une crise et sous l’impulsion de son nouveau PDG, la plus grande entreprise connue ayant adopté le modèle d’organisation libérée est Harley Davidson, le patron s’impliquant personnellement dans la relation entre la communauté du million de bikers avec son entreprise, permettant à un biker de proposer directement des améliorations de son modèle préféré à un ouvrier dans l’usine à la plus grande satisfaction des deux parties. Plus récemment, Buurtzog[4] a adopté une organisation cellulaire réunissant aujourd’hui plus de 10 000 soignants à domicile aux Pays-Bas pour le plus grand bénéfice des patients et du système de santé.

Pour l’« eau », cela sera moins évident. Les organisations y sont nettement plus « processées ». Pour les raisons évoquées ci-dessus, Google qui avait au début une approche de grande liberté laissée à ses salariés a été conduit à la restreindre progressivement.

Résultant du développement de l’informatique et de la robotisation, un des mottos de l’Institut de l’iconomie est que le modèle de la concurrence monopolistique soumis à la loi des rendements croissants se généralise.

Pour contrer les risques de domination, l’eau a besoin d’être fortement régulée. Cette régulation ne peut plus se faire par le simple respect de la concurrence, concurrence qui est devenue tout sauf « parfaite ». On le voit dans les domaines des télécommunications, de l’électricité ou du transport ferroviaire en Europe ; et il n’y a pas de modèle de régulation sur étagère garantissant le meilleur équilibre entre la qualité et les prix des services sur la durée, le non-abus de position dominante et le soutien à l’innovation et son accompagnement.

Il est plus correct de parler de régulations au pluriel, car elles sont connectées entre elles et coopèrent. On peut donc dans leur spécificité aussi les voir comme des réseaux de plateformes, réseaux qui auraient à gagner à développer leurs communautés et notamment citoyennes ; citoyens qui assez naturellement souhaitent agir sur le devenir de leur monde, souhait que l’on voit dans le développement encore difficile de la démocratie ouverte.

Au cœur de ces évolutions se trouve un enjeu fondamental : l’utilisation des technologies numériques. D’un côté, elles offrent des outils de contrôle qui peuvent mener à des dérives autoritaires. De l’autre, elles permettent une vie plus libre et connectée, parfois en dehors des logiques économiques traditionnelles, rappelant certaines aspirations anarchistes modernes.

Cette question de la liberté et de façon de l’appréhender au cœur des organisations et dans leurs interactions est donc majeure. Il convient pour la développer et la réguler d’agir au niveau du système, et le moins possible par le biais des règles qui seront obsolètes avant d’avoir pu être respectées et qui souvent ne manqueront pas de générer leur lot de situations absurdes notamment par la confrontation à des effets de seuil.

Futur en marche

En une décennie le ticket d’accès d’une « bulle » a été quasiment divisé par 10. Les technologies permettent aujourd’hui de créer des plateformes de services rapidement en se connectant à des plateformes de services existantes.

Elles commencent à utiliser d’autres innovations majeures associées à l’internet 4.0 ou metavers conduisant à une virtualisation toujours croissante du monde.

Cette virtualisation permet à un fournisseur français de vêtements co-designés avec ces clients et fabriqués en petite quantités au Vietnam. Aujourd’hui, il devient même possible de créer de nouveaux tissus virtuellement. Le vêtement avant d’arriver en rayon ou vendu via internet aura fait plusieurs fois le tour de la planète, en intégrant les circuits de sa matière première.

L’impression 3D permet aussi de faire fabriquer de façon locale et de virtualiser la fabrication. Cela devient possible pour un verre de lunette, technologie encore à la main des grands fabricants. Elle permet à une artiste française de personnaliser des sacs à main de luxe et de répondre à une demande spécifique d’une cliente chinoise.

Aujourd’hui le boom des moyens vidéo associés à la 4-5G offre une appréhension ubiquiste du monde. Le développement des jumeaux numériques permet d’agir sur le réel de façon plus appropriée ; alimenté par le modèle virtuel, créant une réalité augmentée ; les tests d’évolution sont plus rapides pour la recherche d’un meilleurs optimum. Dassault a ainsi réussi à réaliser le premier avion de façon numérique, dans un cycle passant de 12 années à 6 années depuis le début de sa conception jusqu’au premier vol, modèle qui peut ensuite être utilisé et optimisé durant la vie des avions, et apportant aussi des sources de progrès pour les générations suivantes.

La nature même des échanges d’information va évoluer. La blockchain ou plus largement les systèmes de token permettent de traiter différemment des aspects financiers des transactions, mais aussi de soutenir les éléments non financiers de ces transactions.

Le développement de l’économie circulaire va avoir besoin d’une connaissance fine de l’ensemble des circuits de production d’une marchandise afin de converger progressivement vers une industrie et des activités non-consommatrices de ressources primaires ; connaissance pouvant être mise à disposition dans les deux sens, du producteur vers le consommateur, mais aussi inversement, et de fait là aussi de façon circulaire.

Les services ouverts des « bulles » hautement évolutifs et interpénétrés, ne vont plus pouvoir dépendre d’échanges basés sur des flux d’information reproduisant le modèle papier et contrôlé en traitement par lot (batch) la nuit. Les normes XML ont permis une adaptabilité nouvelle des mécanismes d’échange et autorise une ouverture plus grande. Il convient aujourd’hui aller au-delà avec des données transmises intégrant leur sémantique, leur « ontologie » de façon suffisamment normées pour permettre une interprétation correcte des données partagées, de leur qualité, de leur niveau d’incertitude et d’incomplétude et autoriser un maximum d’automatisation pour un résultat final adapté aux différentes situations et attentes des clients.

Ces développements en émergence associés aux techniques de traitements adaptatifs basés ou non sur de l’« intelligence artificielle » vont ouvrir la voie à un monde en échange de plus en plus rapide[5], intriquant toujours davantage notre interaction entre le monde réel et sa contrepartie virtuelle.

Les questions de résilience

L’essor de l’informatique crée une dépendance croissante occasionnant des impacts de plus en plus importants de ses dysfonctionnements. Cette informatique elle-même dépend de plus en plus de la permanence des services de télécommunications avec le développement du « Cloud » et du « Edge computing », le tout dépendant de la permanence de l’alimentation électrique. Electricité aujourd’hui optimisée grâce aux « smart grids », ce qui crée une dépendance réciproque nouvelle.

Avec une informatique répartie dans le « nuage » (Cloud), données et traitements, il va être de plus en plus difficile de maîtriser la permanence des services, bien que cette répartition accroisse la disponibilité et contribue à la réduction des vulnérabilités. N’oublions pas bien sûr les problèmes croissants d’attaques de sécurité.

S’y ajoute l’usage de services provenant d’organisations « bulle » en évolution permanente. Les notions de cartographies des systèmes d’information à visée de complétude dans une organisation fermée, vont progressivement avoir un sens limité, confrontées à l’usage d’appels de service externes dont on aura une connaissance réduite, voire une inconnaissance de l’ensemble des cascades d’appels de service pouvant être mise en service en dehors de l’organisation.

L’image de la « bulle » alerte sur le risque que le service porté par une organisation puisse « exploser » à tout moment. Sans conséquence grave si ce service n’est pas critique, mais comme évoqué au paragraphe précédent, le niveau de criticité sur la production de valeur peut être faiblement connue voire ignoré.

Il est devenu aisé pour n’importe quel membre d’une organisation d’utiliser sa carte de crédit entreprise pour s’abonner à un service disponible sur internet, encore plus facilement s’il est gratuit. Cette activation contribue au « shadow IT »[6] source d’effroi permanent de tout responsable informatique et de son responsable sécurité associé.

Et l’homme dans tout cela

L’évolution vers une virtualisation généralisée du monde, parfois désignée sous le terme de métavers, ouvre deux voies principales : un monde virtuel immersif, utilisé par exemple pour la culture ou les loisirs et une réalité augmentée enrichissant notre perception et notre interaction avec le réel.

A titre d’illustration, nous sommes très rapidement devenus dépendants du GPS ou des compagnons de voyage des services de transport en commun. Et en retour en but avec des propositions sous-optimales par rapport à nos besoins propres ou un manque d’anticipation pour faire face aux imprévus.

Il y a un véritable danger comme avec l’hypertrading financier que cette virtualisation et décision associée échappe à l’être humain. Lorsque c’est le cas, il faudrait interdire la mise en œuvre de tel système, peut être à la seule exception de système de défense militaire ou de sécurité informatique et dans un cadre bien défini.

Au sein de l’Institut de l’iconomie, nous avons créé la notion de « cerveau d’œuvre ». Il est clair que la notion de main d’œuvre associée à des gestes répétitifs, telle qu’elle a pu être développée avec le taylorisme va disparaitre avec les déploiements de robots de plus en plus performants.

Par contre, doit croitre et être développés le geste des artisans, la qualité et l’interaction des concepteurs de systèmes, le suivi de leur bon fonctionnement et surtout la pertinence des personnes en interaction avec les clients, les communautés évoquées au début de document. Car ces personnes sont celles qui sont susceptibles de capter des besoins nouveaux, les irritants des clients, dont la résolution sont susceptibles de créer un effet « Waouh » ou plus simplement de compenser les irréductibles inepties d’un système automatisé.

De façon plus globale, il convient de ne pas penser numérisation de processus existant, mais interaction complexe entre les nouveaux modèles d’activité créant leur propre nécessité d’évolution et d’adaptation permanente. Les personnes capables d’appréhender ces évolutions symbiotiques, de les anticiper justement dans leur geste de conception, d’y associer dynamiquement leur environnement sont les ressources les plus précieuses.

L’attention portée au développement de ces compétences, à la capacité et à la qualité des interactions et des collaborations des personnes sera durablement en retrait au regard des besoins générés par un monde de plus en plus complexe.

Refuser l’idée d’une « mousse » de plateformes/communautés et son corollaire d’ouverture, de simplification (lean) et de liberté (agilité), ne peut que contrarier cet incontournable développement, voire pire, alimenter le risque d’un désengagement complet.


[1] Voir « L’âge de la multitude » de Nicolas Colin et Henri Verdier pour de plus amples développements.

[2] Sur ces notions, le « glocal », lire Pierre Giorgini, Au crépuscule des lieux, Paris, Bayard, 2016

[3] Sur les organisations libérées, lire les livres de Ricardo Semler ou les écrits de son équivalent français Jean-François Zobrist.

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Buurtzorg

[5]Dans ses travaux de recherche, le Cigref a créé le néologisme d’accéluction pour décrire cette évolution

[6] Le « shadow IT », ou système d’information fantôme, est le vocable utilisé pour les systèmes d’information utilisés par les membres d’une organisation que la direction des systèmes d’Information cherche en permanence à identifier afin de s’assurer de l’absence de risque de cybersécurité associé. La bascule de l’an 2000, la migration vers l’Euro, le respect des exigences RGPD ont permis de découvrir de larges pans de « Shadow IT ».